Un òrt a la broa de l'aiga
- benoitcombet
- 14 févr. 2024
- 3 min de lecture
Dernière mise à jour : 13 avr. 2024
C’est l’histoire d’une petite rigole qui faisait le bonheur autour d’elle. Les enfants venaient s’y amuser, les adultes aimaient la fraîcheur qu’elle dégageait.
Mais une nuit d’orage le filet d’eau se fit torrent, balayant tout sur son passage. Les hommes durent abandonner le village.
Un jour ils décidèrent de reprendre les choses en main. Tant bien que mal ils parvinrent à emprisonner l’eau dans sa source.
L’herbe et les buissons se mirent à mourir, le sol à se dessécher. Mais derrière le barrage le torrent faisait rage.
Il arriva ce qu’il devait arriver. Le mur s’effondra et l’eau en jaillit à nouveau.
Un étranger trouva les habitants occupés à reconstruire cette digue; chacun y jetait branches, feuillages, pierres et cailloux.
Lui, passa un moment à regarder cette terre. Le lendemain il revint avec une pioche et entreprit de creuser un petit canal.
Ils le dévisagent tous, intrigués. Mais lui, sans se démonter, continue son œuvre. Arrivé au pied d’une butte il fait un petit trou et y plante un figuier.
Contre toute attente il pousse. Alors le vieil homme propose aux habitants de laisser la rivière faire son œuvre plutôt que de l’emprisonner.
Il creuse de nouveaux canaux et y plante à chaque fois une graine ou un arbuste. Il y est chaque jour, quel que soit le temps. Pour un temps certains habitants l’imitent. Le torrent est élargi, se calme. Les enfants reviennent s’y baigner.
A l’école un enfant se fait remarquer en permanence; il n’arrive pas à rester sur sa chaise, répond sans lever le doigt, coupe la parole. Il crie plutôt qu’il ne parle. Le professeur est dépassé. Le petit va le rendre fou.
Un matin de promenade l’enfant rencontre le vieillard au bord de l’eau, occupé à ses travaux. — eh, petit, tu serais bien aimable de m’aider un peu...
— eh, tu es bien mal tombé: je suis le contraire de bon!
Pourtant il revient dès le lendemain. L’enfant s’assoit sur la pierre et le regarde. Il y retourne chaque soir après l’école, quel que soit le temps.
Un jour de pluie il trouve la tranchée déserte. Il y a bien la pioche mais pas de trace de l’homme. De retour à la maison il passe par la boulangerie. Tous parlent de «l’étranger» qui pour une fois n’a pu se lever.
Le soir suivant il soulève la pioche pour continuer le petit canal. C’est lourd. La nuit le surprend sans qu’il n’ait pu avancer d’un pied.
A mesure que le temps passe il manie l’outil avec de moins en moins de douleur et arrive à avancer plus vite. Sur le chemin il s’occupe des arbres et se prend à rêver au sien. Au pied de la colline il plante un pépin de pomme. En regardant derrière lui il se rend compte que les berges commencent à se couvrir de plantes. Des ronces par ci, des cannes de Provence par là.
A l’école les choses se calment: ce sont des heures de repos avant d’aller dans son jardin sauvage. Des heures aussi pour imaginer ce qu’il y trouvera.
Quand il est fatigué il pose la pioche et dans le silence il attend la visite des bêtes. Selon les lieux et les heures il observe des oiseaux différents, des renards, des serpents et bien sûr grenouilles et poissons.
Lui qui n’avait jamais voulu ouvrir un livre passe le reste de son temps à lire sur chacun de ses visiteurs ou la végétation, et à écrire un livre pour « l’étranger » où il raconte toute cette aventure.
Il installe des pierres sèches sur les côtés pour éviter que les bordures ne tombent et régulièrement il nettoie les branches et les amas de feuilles mortes. Quand l’été s’installe il y passe ses journées; à se construire une cabane. Jusqu’à ce qu’une nuit il décide de ne pas rentrer.
Affolé, le village entier se met à sa recherche. C’est son grand-père qui lui met la main dessus le premier. L’enfant lui donne le livre. Tout en parlant ils descendent jusqu’à la rivière, qui fait entendre son chant.
A toi, débordant d’énergie, n’aie pas peur : utilise la plutôt que d’essayer de la faire taire. Quand elle sera dirigée ce sera ta grande force, elle te rendra par contre malade si tu la gardes pour toi.
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